Por Oscar Vladislas de Lubicz Milosz
Traducción David Noria
Le Roi ceignit l’épée antique, et, gravement,
Leva le casque des époques belliqueuses.
– L’océan des hordes barbares, au loin,
Hurlait. – Les courtisans discutaient pierre précieuses.
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« Seigneurs, nos murailles s’écroulent, il est temps,
Grand temps, vraiment, de se défendre, tant soit peu. »
Mais la foule des patriciens répondit, sans lever les yeux :
« César, les héros font trop de gestes en mourant.
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Notre ennui vaut-il la peine qu’on le défende ?
Il ne nous reste plus qu’à mourir en toges de fête,
Et qu’à laisser, dédaigneusement, sur nos têtes
Rouler les murs de ce palais où notre existence fut grande
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De crimes et de passions, et belle de paresse !
Nous n’avons plus la curiosité du sang.
Non, plus du tout. Nos favorites – ô détresse ! –
N’auraient pas cet air calme, s’il en était autrement.
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Nous ne voulons plus de l’orgueil de nous laisse battre
Par les petites filles, dans les Cirques, à la course,
Et nos l’avons trop souvent constaté, dans les amphithéâtres,
Le triomphe criard des lions sur les ours…
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Vois-tu, César, toutes ces farces on fait leur temps !
Nos heures d’aujourd’hui sont de mauvais poèmes,
Où l’inspiration s’en va, clopin-clopant,
Par des chemins qui sont atrocement toujours les mêmes.
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Nul vent n’animera l’eau de notre torpeur,
Nos yeux sans soleil, où les vieux désirs surnagent
Comme des noyés que la mer rejette avec horreur
Et qu’ensevelit lentement l’ennui des plages.
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Ah ! dégoût ! dégoût, terrible dégoût de toutes choses !
Lassitude ! Couchons-nous là, César, et pleurons,
Et hurlons notre désespoir, sans affectation, en prose ;
Ah ! dégoût ! dégoût, terrible dégoût de toutes choses !
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Couchons-nous là, mourons dans des rires et dans des larmes ;
Appelons, à grands cris, le Barbares libérateurs ;
Les mains de patriciens sont trop belles pour les armes.
Couchons nous là, mourons dans des rires et dans des pleurs. »
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Le Roi sourit, ordonna de chanteur aux musiques,
Puis ôta, sans pâlir, le lourd casque d’or,
Et l’ombre exagérée de son geste d’effort
Fuit, sur les murs de chrysoprase, la descente oblique
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Vers des rochers où mourir, d’un aigle malade,
D’un aigle très vieux de tempête et de soleil,
Et s’éleva, dans le Palais, un tumulte de mascarade
Au cri de quelque énorme surprise pareil ;
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Et, lorsque aux seuils cachés d’écarlate apparurent
Les vainqueurs apportant le sang indispensable,
Les héros du Nord, aux chevaux couleur de sable
Baigné de soleil blanc aux contrées de froidure,
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On leur jeta le corps d’une femme égorgée
– Dernier poème de Beauté, dernier symbole
Sur qui les incendies semèrent des corolles –
Et César dit : « Quel était donc le nom de la ville assiégée ? »
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El Rey ciñó su espada y levantó con gravedad el casco de las épocas guerreras. A lo lejos aullaba el océano de las hordas bárbaras, mientras los cortesanos discutían piedras preciosas. “Señores, nuestras murallas se derrumban. Es tiempo de defendernos”. Pero la muchedumbre de patricios, sin alzar los ojos, respondió:
“César, los héroes hacen demasiadas muecas al morir. ¿Vale la pena defender nuestro hastío? ¡Sólo nos queda morir en togas de fiesta y dejar que rueden sobre nosotros los muros de este palacio donde nuestra vida fue grande en crímenes y pasiones y bella en la pereza!
“Ya no tenemos la curiosidad en la sangre. Nuestros héroes –oh, angustia– no estarían tan tranquilos, si esto fuera de otro modo. Ya no nos interesa el orgullo de dejarnos combatir por las muchachas afuera de los circos, y hemos constatado hasta la saciedad el estruendoso triunfo de los leones sobre los osos en los anfiteatros.
“César, todas estas farsas llegaron a su fin. Nuestra hora presente es de malos poemas, donde la inspiración se va cojeando siempre por caminos atrozmente iguales. Ningún viento animará el agua aletargada, nuestros ojos sin sol ni los viejos deseos flotando como ahogados que, con horror, el mar rechaza y que la indiferencia de las playas sepulta lentamente.
“¡Ah, disgusto, disgusto, terrible disgusto de todas las cosas! ¡Laxitud! Tumbémonos, César, y lloremos nuestra desesperanza, sin afectación, en prosa. ¡Ah, disgusto, disgusto, terrible disgusto de todas las cosas! Tumbémonos aquí y muramos entre risas y lágrimas. Llamemos libertadores a los Bárbaros; las manos de los patricios son muy bellas para las armas. Tumbémonos aquí, muramos entre risas y llantos”.
El Rey sonrió y ordenó cantar al son de la música; después, sin palidecer, se quitó el pesado casco de oro, y la sombra exagerada de su gesto de esfuerzo sobre los muros de ágata fue como la caída oblicua hacia el despeñadero, para morir, de un águila enferma, un águila vieja por el sol y las tempestades. Al grito de una sorpresa unánime, se levantó en el Palacio un tumulto de mascaradas. Cuando en el pórtico de escarlata aparecieron los vencedores trayendo la sangre indispensable, guerreros del Norte sobre caballos color de arena bañada en el sol blanco de un país helado, les arrojamos el cuerpo de una mujer decapitada –último poema de Belleza, último símbolo sobre el que los incendios sembrarán corolas–. Y César dijo: “¿Cuál era entonces el nombre de la ciudad sitiada?”.
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Tomado de La Berline arrêtée dans la nuit, Anthologie poétique, este poema junto a Le chant du vin/ El canto del vino fueron consignados por su traductor bajo el lema: La descomposición de las tinieblas.